David Toutain en 5 plats
David Toutain, chef du restaurant éponyme à Paris, revient pour Gault&Millau sur cinq plats et produits qui marquent sa cuisine et ses goûts, pour une plongée parfaite dans son univers culinaire.
Chef au parcours fulgurant, David Toutain (4 toques) s’est imposé comme l’un des talents les plus singuliers de la scène gastronomique française. Dans son restaurant parisien éponyme, il compose une cuisine d’auteur à la fois technique, sensible et ancrée dans le végétal.
Derrière ses assiettes, une vision précise : faire dialoguer nature, texture et mémoire. Ses plats racontent une histoire, souvent personnelle, toujours audacieuse. Du goût fumé d’une anguille à la cocotte-minute de sa grand-mère, chacun porte une empreinte intime. Il nous livre ici cinq plats qui ont jalonné son parcours et façonné son identité culinaire. Cinq créations qui résument ce qu’est fondamentalement la cuisine de David Toutain : inventive, sincère et profondément incarnée.
Le plat dont il est le plus fier : Anguille fumée, crème de sésame noir et pomme verte
Parmi les créations qui ont le plus marqué David Toutain, cette assiette revient comme une évidence. “Les clients m’en parlent encore, même à Bangkok où j’étais la semaine dernière”, confie-t-il. À travers ce plat, le chef condense tout ce qui fait sa signature : un jeu de textures maîtrisé, des contrastes assumés et une composition graphique. L’anguille fumée y rencontre une crème de sésame noir soyeuse et l’acidité subtile de la pomme verte, dans un équilibre savamment dosé. “Ce n’est pas la perfection, mais c’est à mon image : ça paraît simple, alors que c’est très complexe.”
Si ce plat emblématique a tant marqué les esprits, il n’est pourtant plus à la carte. L’anguille, espèce menacée, fait aujourd’hui l’objet de quotas stricts. “On doit respecter les règles de pêche”, explique le chef. Une décision assumée, éthique, mais non sans nostalgie : “J’ai été obligé de l’enlever, mais ça reste l’un des plats dont je suis le plus fier.”
© DR
Le plat qui a marqué un tournant dans sa carrière : Queue de lotte et risotto d’épeautre à la reine des prés
Ce plat a marqué un moment fondateur dans la carrière de David Toutain. Il l’a imaginé avant même d’avoir son propre restaurant, alors qu’il officiait à l’Agapé Substance. “C’est le premier plat que j’ai créé en mon nom, sans personne derrière moi. Mon premier plat de chef, comme un grand.” À la fois structuré et délicat, l’accord entre la queue de lotte et le risotto d’épeautre parfumé à la reine des prés reflétait déjà son goût pour les associations végétales et céréalières.
Ce plat, il ne l’a jamais refait depuis, mais il reste gravé dans son parcours. “Il a été très important pour moi. Je l’ai gardé longtemps à la carte.” Un jalon intime, symbole d’un passage à l’âge adulte culinaire.
Le produit souvenir : La betterave
Chez David Toutain, la betterave n’est pas qu’un ingrédient : c’est une madeleine de Proust. “J’en mangeais beaucoup chez ma grand-mère. Elle la cuisait à la cocotte-minute… je me souviens encore de l’odeur, du sifflement, de la pression.” Ces souvenirs d’enfance sont devenus une source d’inspiration inépuisable. Il continue d’ailleurs à employer cette méthode de cuisson, en la modernisant subtilement.
Aujourd’hui, la betterave est un fil rouge de sa cuisine, présente dans presque tous ses menus. En ce moment, il la propose en raviole fumée au bois de cerisier, accompagnée d’amarante rouge.
La création la plus plébiscitée par les clients : Chou-fleur, chocolat blanc, lait de coco
Ce dessert est né dans l’urgence d’une ouverture. En plein hiver, David Toutain cherchait à créer un pré-dessert facile à envoyer, visuellement épuré, qui pourrait tenir la carte toute l’année. Il voulait du blanc, de la douceur, une touche végétale. “J’ai noté trois ingrédients sur une feuille : chou-fleur, coco, chocolat blanc. On a fait la recette… et on n’y a jamais touché depuis.”
Pensé comme une transition légère en fin de repas, ce dessert a rencontré un succès immédiat. À tel point qu’au moment de le retirer temporairement, les clients se sont plaints. “On a dû le remettre”, s’amuse David Toutain. Aujourd’hui encore, il reste l’un des plats les plus emblématiques du restaurant.
© DR
Son péché mignon : Les amandes fraîches
Chaque été, dès le mois d’août, un ingrédient fait battre le cœur du chef : les amandes fraîches. “Je suis incapable de résister. J’en prépare une, j’en mange une. Je suis horrible !”, confie-t-il en riant. Si les amandes sèches ne lui font ni chaud ni froid, les fraîches, en revanche, sont une obsession. Leur texture, leur goût subtil, leur rareté – la saison ne dure que deux mois – en font un produit d’exception qu’il attend chaque année avec impatience.
© DR
Il aime les associer aux girolles, les rafraîchir dans du lait d’amande, les marier à l’abricot. Un trio de saison, sensible et précis, qui illustre son goût pour les alliances végétales délicates… et son plaisir de cuisiner ce qu’il aime manger, tout simplement.