Anne Vitchen, les fleurs c'est la vie
Dans la chambre d'un palace ou dans le lobby d'un hôtel – qu'il soit simple ou luxueux –, sur les tables ou à l'accueil des restaurants, les fleurs font partie du décor. Chacun les voit et admire le savoir-faire, mais qui se demande comment elles sont arrivées là ? À quelle heure ? Qui a travaillé leur mise en scène ? C'est tout l'art du créateur floral, être invisible en rendant son travail visible.
La place Vendôme, dominée par les 44 mètres de la colonne dédiée aux soldats vainqueurs d'Austerlitz et inaugurée en 1810 par Napoléon. Autour, des joailliers mondialement connus, le ministère de la Justice et l'emblématique Ritz Paris, fondé en 1898 par César Ritz. Une poignée de marches à gravir, une porte-tambour à pousser, et le regard hésite entre le responsable de l'accueil et le bouquet d'hortensias bleus qui semblent moutonner dans un immense vase de la même couleur posé sur un meuble d'époque. Qui se soucie de sa présence ? Qui le remarque ? Si ce bouquet n'était pas là, l'image que se font les clients du Ritz serait-elle écornée ? Pour Anne Vitchen, créatrice florale surnommée la « Dame des fleurs » par Christian Boyens, l'ancien directeur général du Ritz : « Ce n'est pas un simple bouquet que l'on pose dans un vase, ce sont des fleurs que l'on met en scène pour qu'elles s'intègrent dans le décor, comme une œuvre. »
Il y a dix ans, la direction du palace de la place Vendôme choisissait Anne Vitchen pour sa décoration florale pour une période de trois ans renouvelables. Son périmètre ? Le Ritz dans sa globalité, des 142 chambres à l'entrée principale en passant par le moindre recoin dans lequel un vase pourrait en épouser la forme, les événements, les demandes particulières. Seules les plantes et les fleurs en pleine terre ne sont pas de son ressort.
Sauvée par les fleurs
Il y a des épreuves insurmontables qui vous incitent à changer de vie pour espérer un chemin plus lumineux, moins mélancolique. Avant les fleurs, Anne Vitchen était claviste au Quotidien de Paris. Son travail, recopier des textes sur un clavier d'ordinateur afin de préparer l'impression sans avoir véritablement le droit de toucher au contenu. De claviste, elle devient maquettiste, avant de sombrer dans un chagrin incommensurable, « mais les fleurs m'ont sauvé la vie ». Après la presse, elle s'imagine évoluer dans les arts décoratifs ou dans la photographie. Ce sont finalement les pois de senteur, les violettes, les pivoines, les azalées, les bégonias et les roses qui vont la conquérir. Sans véritable culture florale, sans diplôme, elle ouvre sa boutique de fleuriste en 1998 dans le 8ᵉ arrondissement de la capitale.