Los Angeles, étourdissant melting pot
Quand les Jeux olympiques s’y tiendront en 2028, ce seront les troisièmes de la ville ! Le soleil brille toute l’année, les vents côtiers venus du Pacifique tamisent le climat : Los Angeles est un pays de cocagne. Dès les années 1970, une nouvelle génération de chefs préféra, aux lourds repas carnés à l’américaine, les produits locaux et les saveurs franches. Depuis, la scène foodie, locavore et nourrie par le brassage migratoire bouillonne, parfois dans l’anarchie, mais toujours avec panache.
Il affectionne les bracelets de surfeur, les larges lunettes noires, David Bowie, les Porsche et porte toujours ses mèches brunes savamment ébouriffées, comme s’il sortait de l’eau : vous aurez autant de chance de croiser Josiah Citrin dans l’un de ses sept restaurants de Los Angeles que sur la crête des vagues du Pacifique ou à vélo, près de la jetée de Santa Monica. Cette ville, lovée au creux de Los Angeles, le chef californien ne l’a quasiment jamais quittée, hormis une courte parenthèse française. « Pourquoi partir ? Nous avons tellement de chance d’avoir des produits exceptionnels et du soleil toute l’année. Chaque fois qu’une nouvelle saison commence, c’est ma préférée, car chacune apporte une inspiration nouvelle.» Il a aussi passé toute sa vie devant un piano. « Ma mère était traiteur et elle cuisinait avec ma grand-mère, née en France. J’adorais les observer et apprendre. »
Un pays de cocagne
Quasiment chaque mercredi, vous croiserez le chef, en compagnie de son fidèle partenaire Ken Takayama, sur le marché de Santa Monica. Ce marché, c’est the place to be si vous voulez faire collection de selfies. Tous les restaurateurs sont là, à passer à la loupe les produits envoyés par les fermes californiennes, de San Diego à la Napa Valley, à se saluer et à échanger des potins. Ce qui agite le landernau en ce moment, c’est la décision du gouvernement californien de relever le salaire minimum pour les employés de la restauration. Cette augmentation vertigineuse des charges a déjà poussé de nombreux restaurateurs à mettre la clef sous la porte. Josiah Citrin lui-même a fermé son dernier établissement – Charcoal, à West Hollywood –, moins d’un an après son ouverture. La prudence d’un vieux routier du métier, présent sur le terrain depuis près de trente-cinq ans. Il est aujourd’hui à la tête de sept adresses, dédiées à la cuisine californienne sous toutes ses facettes. Son premier restaurant angeleno s’appelait JiRaffe et, très vite, il y eut une table gastronomique : Mélisse, qui n’a cessé depuis de se classer en tête du « Top Food » de Los Angeles et de cueillir des récompenses. Mélisse, qui a évolué au même rythme que la scène culinaire locale, a traversé les crises et le Covid, et reste une pierre angulaire de la ville, proposant aujourd’hui un menu dégustation de haute volée de 18 services.
Les pionniers du « farm to table »
« Les restaurateurs sont des résilients, sourit Josiah Citrin. Il s’agit d’une industrie “sink or swim”, qui nécessite d’apprendre rapidement à nager ! » Ce n’est pas le chef autrichien Wolfgang Puck, auprès de qui il a fait ses premières armes, à l’instar d’une palanquée de chefs américains, qui le contredira : Wolfgang Puck a su reprendre le flambeau de deux pionnières qui, dans les années 1970, furent les premières à mettre en avant des produits sains et locaux dans une assiette gastronomique: l’iconique Alice Waters, locavore avant l’heure avec son inoubliable Chez Panisse, et Helen Evans Brown, auteure du célèbre West Coast Cook Book. Elle amorça une véritable révolution dans le paysage culinaire américain à une période où, sur la côte ouest, les descendants de la Ruée vers l'or n’affectionnaient que les assiettes débordant de viande en sauce et se ruaient sur les premiers fast foods. Et ne parlons pas de Sally Schmitt, héroïne discrète et méconnue qui, aux manettes du célèbre French Laundry, initia la notion de « farm to table » dont s’inspirent encore aujourd’hui les chefs du monde entier. Leur héritier direct, Wolfgang Puck, star absolue des années 1980, se souvient encore de Madonna, Michael Jackson ou Prince faisant la queue pour entrer au Spago, lancé sur le Sunset Strip en 1982. « C'était le premier restaurant doté d’une cuisine ouverte comme une scène, au milieu de la salle. Nous étions aussi les premiers à utiliser un four à bois », explique Wolfgang Puck, qui n’hésitait pas à couvrir ses pizzas de caviar et osa parler de « cuisine californienne ». « Les gens me demandaient ce que ça voulait dire. Eh bien, nous utilisons des ingrédients locaux et nous mélangeons différentes cultures dans notre menu. »
Los Angeles attitude
Lorsque vous débarquez dans la Cité des Anges, toutes vos habitudes sont à mettre à la consigne. N’attendez pas un sèche-cheveux décent dans la chambre d’hôtel, par exemple : quelle Américaine aurait l’idée saugrenue de réaliser son brushing elle-même ? Côté dress code, attention à ne pas être « overdressed » dans la journée, au risque d’être définitivement relégué à la case touriste. T-shirt délavé et sneakers (de marque) avachies recommandés pour les hommes ; la robe hippie fait un grand come-back chez les filles, avec un cardigan (siglé, quand même) et un bonnet. Et surtout : « no make up » avant l’apéro – pardon, l’afterwork. À l’heure du dîner, en revanche, c’est open bar.
Lors du petit déjeuner, vous risquez d’attaquer votre pancake et votre thé noir sous le regard halluciné de la voisine, concentrée sur son smoothie chou kale spiruline turmeric, arrosé d’un Ayurvedic detox tea. Soit vous assumez bravement, soit vous vous convertissez à la « healthy attitude »
Au passage, sachez que l’on ne parle plus trop de brunch, mais que l’on est revenu au breakfast. « Avec le jeûne intermittent et la nouvelle habitude de se limiter à deux repas par jour, celui du matin a élargi sa plage horaire », raconte la critique gastronomique Victoire Loup (qui nous confie plus loin ses adresses fétiches). Le menu est à géométrie variable, les horaires aussi. On croise dans les « all day cafes » la génération télétravail mélangeant allégrement salé et sucré.
Veillez enfin à ne pas terminer votre assiette. Dans cette ville où l’ultra-minceur est « mandatory », ça fait glouton. Un conseil difficile à suivre avec les adresses que nous avons dénichées à Downtown, West Hollywood et Santa Monica, quartiers connus pour leurs bonnes tables. Suivez-nous pour un tour du monde des influences culinaires, revues et corrigées à la sauce californienne, et faites une exception, n’en laissez pas une miette !
San Francisco, puis, à Los Angeles, les Coréens de Koreatown et les Japonais de Little Tokyo. Aujourd’hui, les Philippins ont particulièrement la cote, sans parler de la cuisine du Proche-Orient, de la tradition juive ashkénaze des delicatessens et, bien entendu, des saveurs d’Amérique latine. À l’est de Downtown, le quartier d’El Pueblo fourmille de ravissantes églises mexicaines et de petites adresses où se régaler de tacos et de ceviches.
« La gastronomie de la Cité des Anges s’est enrichie de toutes ces influences, mon style est ancré dans les techniques françaises classiques tout autant qu’il est imprégné des saveurs mondiales de la cuisine californienne », analyse Josiah Citrin, qui n’hésite pas à marier caviar et yuzu, pigeon et anguille, crabe royal et miso dans le menu dégustation de Mélisse. Et à choisir des assiettes de présentation à l’effigie des Rolling Stones pour accueillir ses hôtes, sur une bande-son plutôt rock’n’roll, dans cette salle intime conçue comme un club privé pour 14 convives. On y accède par une entrée dérobée cachée dans son restaurant sistership, Citrin. Jamais à court d’audace, le chef vient d’avoir l’idée de lancer une « happy hour » chez Citrin, proposant de déguster sans réservation, en début de soirée, la carte gastronomique à prix d’ami. Elle permet aux « first come, first serve » de profiter, assis au bar, de l’ambiance chaleureuse de la salle, et de goûter la cuisine sophistiquée du chef, notamment quelques plats signature. Le fameux « Homard bolognaise », plat de homard du Maine servi avec des capellini frais et une mousse de truffe au beurre noisette, est par exemple facturé 19 dollars ! Los Angeles, ville de tous les rêves qui, parfois, se réalisent.
Cet article est extrait du magazine Gault&Millau #5. Pour ne pas manquer les prochains, abonnez-vous.
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