Chloé Doutre-Roussel, la fève au corps
Son nom est sur toutes les lèvres dans le monde du chocolat. Un jour au Venezuela, un autre à Budapest puis à Chelles, en Seine-et-Marne, et au Japon, Chloé Doutre-Roussel voyage à la recherche des meilleures fèves et des meilleurs process. Un savoir qu’elle transmet avec passion et rigueur aux débutants comme aux confirmés.
Comment a débuté votre histoire avec le chocolat ?
Chloé Doutre-Roussel : Le chocolat fait partie de mes racines : je suis née au Mexique et j’ai vécu jusqu’à mes 14 ans en Amérique du Sud. La situation professionnelle de mon père faisait qu’on déménageait tous les trois ou quatre ans, au Chili, en Bolivie… Depuis toute petite, on m’appelle « Chloé Chocolat ». J’ai toujours aimé goûter, avec la curiosité de comparer et de prendre des notes. Mais je n’avais pas prévu de travailler dans le chocolat. J’ai fait des études d’ingénieur agronome, puis je suis partie me former à Londres au cinéma et à la photo que j’adorais. Cependant, j’ai senti que je ne serai jamais plus qu’une bonne assistante et cela ne me suffisait pas. Je remets toujours tout en question. Quand ce n’est plus ma place, j’organise mon départ.
En arrivant à Paris, j’ai écrit à des maisons de chocolat pour être vendeuse. J’avais un bac + 8. C’était assez bizarrement perçu. Pierre Hermé, alors chez Ladurée, m’a reçu un samedi en entretien en me faisant déguster des tablettes de la chocolaterie Pralus et m’a demandé ce que je ressentais. À la fin, il m’a dit de revenir le lundi matin. J’ai été stagiaire, puis secrétaire. C’était une excellente école, j’ai beaucoup goûté, je posais beaucoup de questions. J’ai ensuite géré la boutique de chocolats sur l’avenue des Champs-Élysées. Plus tard, j’ai eu la chance d’entrer chez Fortnum & Mason comme acheteuse en chocolat, un grand magasin à Londres, un poste très convoité. J’en ai profité pour apprendre plus et voyager dans lesplantations. Je m’intéressais déjà au mouvement du bean to bar (de la fève à la tablette) et cela s’est accentué au fil de mes rencontres avec des pionniers aux États-Unis et en Europe comme Steve DeVries, à Denver, ou les chocolats Naive, en Lituanie.
Vous avez alors choisi de créer votre entreprise...
C. D.-R. : De me jeter dans le précipice, oui ! Pour quelqu’un qui avait été salarié toute sa vie, cela n’a pas été simple. Mais j’animais depuis longtemps des cours de dégustation et j’étais de plus en plus invitée à donner des conférences dans des festivals à l’étranger. Une coopérative en Bolivie, qui fabriquait du chocolat à partir de son cacao et qui voulait lancer une gamme agrémentée de produits typiques du pays (sel, quinoa) pour l’exportation, a fait appel à moi. On l’a présentée au Salon du Chocolat en 2008. Il était écrit « Chloé Chocolat » sur l’emballage. C’était une expérience très importante, c’était la première gamme de chocolat à l’époque de qualité développée à 100 % par des producteurs de cacao et distribuée dans le monde. Ils sont devenus une famille, je retourne les voir cette année d’ailleurs. Les missions se sont succédé, pour une école culinaire au Japon où je donne des cours depuis 2010, une autre au Brésil… Je ne passe pas six mois au même endroit.