De la cour du roi à nos confitures : l’incroyable histoire de la mirabelle
La petite prune dorée au goût de miel revient pour sa courte saison à une date sans cesse avancée, dérèglement climatique oblige. Désormais, ce bonbon naturel, sucré et acidulé, se récolte à partir de la mi-juillet dans son terroir d’élection, la Lorraine, pour disparaître avant la fin de l’été… La mirabelle ne se découvre ainsi que six à sept semaines sur les étals.
« La mirabelle est une petite prune qui est de couleur d'ambre quand elle est mûre, sa figure est ovale, sa chair fine et fondante, son eau très sucrée (…). Il y en a de deux sortes, la grosse et la petite : elles sont toutes les deux d’une égale bonté. » Presque quatre siècles après la parution du dictionnaire de confiserie Le Cannaméliste français, il n’y a rien à changer à la description faite par le Lorrain Joseph Gilliers, présenté comme « chef d’office et distillateur de sa majesté le roi de Pologne, duc de Lorraine et Bar ». Comme la reine-claude avant elle, la mirabelle de Lorraine est une prune qui a réussi.
Parmi la quarantaine de variétés existantes, ces deux têtes d’affiche se distinguent par les interventions royales attribuées à leurs destinées. Selon Alexandre Dumas, la mirabelle aurait été plantée au XVe siècle en Provence, puis en Lorraine, par le « bon roi René » – sans royaume, mais duc d’Anjou, comte de Provence, duc de Bar et de Lorraine. Après lui, d’autres fées se sont penchées sur le berceau du mirabellier, qui prend racine avec succès dans les sols argilo-calcaires de l’Alsace‑Lorraine. La « meilleure prune de Lorraine » est reconnue comme une variété à part entière dès 1628 dans l’historique Catalogue des arbres cultivés dans le verger de Pierre Le Lectier. Entré au Dictionnaire de l’Académie française en 1762, son nom « probablement de Mirabel, toponyme assez fréquent dans le sud de la France » voit ainsi son origine confirmée dans la neuvième édition du Dictionnaire.
Premier fruit en IGP
Si le mirabellier pousse un peu partout en France, il profite de la crise du phylloxera, fin xixe, pour s’étendre largement en Lorraine, remplaçant les vignes dévastées. À partir de 1974, une confrérie s’attache à préserver cette culture, faisant de la « mirabelle de Lorraine » le premier fruit à obtenir une IGP en 1996, suivie en 1999 d’un Label rouge, avec origine, traçabilité, calibre de 22 mm et teneur en sucre garantis. Résultat, avec 250 producteurs et 5 000 à 9 000 tonnes de fruits par an, la Lorraine fournit aujourd’hui 80 % des récoltes mondiales. Les deux « sortes » de Joseph Gilliers, la « grosse » et la «petite », y sont toujours les deux variétés principales existantes, baptisées au XIXe siècle du nom des villes rivales de la région.
La grosse mirabelle de Nancy et la petite de Metz coexistent et se destinent, pour la première, plutôt à la dégustation fraîche et aux tartes et, pour la seconde, sucrée et tachetée de rouge, aux confitures, compotes et coulis. Depuis la fin du XVIIIe siècle, reconnue officiellement depuis 1953, une eau-de-vie fine et parfumée est distillée à partir de la juteuse variété de Nancy. Avec une Fête de la mirabelle qui s’est imposée comme un événement couru en Moselle – du 22 au 31 août 2025 –, Metz reprend la vedette chaque été.