La renaissance du "Gros Jacquot Blanc"
Les légumineuses, pour leurs atouts alimentaires et économiques sont revenues sur le devant de la scène. Une aubaine pour le haricot de Soissons qui avait presque été rayé du patrimoine agricole et culinaire de l’Aisne.
À l’inventaire français des haricots blancs, certains ont une notoriété qui dépasse les frontières de leurs départements de production comme le haricot tarbais, la mogette de Vendée, le coco de Paimpol ou le haricot lingot de Castelnaudary, composants du cassoulet, qui a obtenu une IGP en 2020 après… 19 années d’attente. Un record battu en 2023 par le haricot de Soissons qui avait déposé une demande en 2003. Vingt ans de patience pour une poignée de producteurs, défenseurs du plus gros des haricots qui avait rejoint la cohorte des oubliés : le haricot Comtesse de Chambord, la cornille ou le coco de Pamiers.
De l’agonie à la consécration
Au début du XXe siècle, la production du haricot de Soissons est atone. Une poignée d’agriculteurs et de particuliers continue d’en planter pour répondre à une maigre demande. Pourtant, ce haricot est le symbole de Soissons au même titre que le vase ou Clovis et l’on sait de source sûre qu’il est cultivé dans son berceau de la vallée de l’Ailette depuis au moins 200 ans. Au fil des décennies, dans un département où l’élevage et les grandes cultures ont pris le pas sur les autres productions, il devient de plus en plus difficile d’en trouver. À tel point qu’à la fin du XXe siècle, le « gros jacquot blanc » est devenu une confiserie en forme de haricot avec un cœur fondant au caramel enveloppé de chocolat noir ou de nougatine enrobée de chocolat blanc. Une élue de Soissons va prendre les choses en mains. Elle crée la confrérie gastronomique des compagnons du haricot de Soissons puis en 2003, la coopérative du haricot de Soissons voit le jour. Ils ne sont que quelques dizaines à croire au projet selon un fonctionnement simple. La coopérative détient la semence, les producteurs plantent, récoltent, égrainent et font sécher avant de livrer à la coopérative qui calibre, trie et vend.
Surfaces minuscules
Sur la quarantaine de pionniers de la relance, ils ne sont aujourd’hui plus que 18 à adhérer à la coopérative. Le destin du haricot ne tient qu’à un fil. En cause, des productions inégales réparties sur dix hectares, 14,4 tonnes en 2019 mais seulement 7 l’année précédente. L’actuelle présidente de la coopérative, Géraldine Toupet, productrice à Parcy-et-Tigny y croit dur comme un lingot même si elle sait que l’on ne vit pas de cette production. Il s’agit d’un revenu complémentaire comme chez Benoit Vandenbussche à Beugneux qui possède quelques ares au milieu de ses champs de blé, de betterave, d’orge et de colza. Et c’est à peu près le même schéma chez tous les producteurs qui consacrent 500 heures de travail par hectare et par an sur des petites surfaces car le haricot de Soissons ne nécessite pas beaucoup de place au sol. La raison ? C’est une liane qui monte à plus de 2 mètres.
Du printemps à l’hiver
Pour les producteurs, tout commence avec les semis à la fin du mois d’avril sur des sols ni trop acides, ni trop calcaires. Il faut ensuite installer les piquets et y agrafer des filets. Quelques semaines plus tard, le plant va venir naturellement s’agripper au filet et grimper. L’été, c’est la période du désherbage entre les rangs et aux pieds de chaque plant. Fin septembre, le producteur coupe les pieds de façon à stopper la montée de la sève. Les gousses sont alors formées. Au fil des semaines, le feuillage va changer de couleur, passant du vert au jaune, et les gousses vont sécher mais sans tomber. Il ne reste plus qu’à récolter manuellement par beau temps. S’il se met à pleuvoir, le taux d’humidité dans la gousse devient trop important et le séchage plus compliqué. Déposées dans des palox, les gousses sont acheminées dans un endroit sec avant de passer dans des égraineuses.
À ce stade, le taux d’humidité est compris entre 20 et 30 %. Le séchage est impératif pour que le taux descende entre 15 et 16 %. Ce n’est qu’une fois ce chiffre atteint que les haricots rejoignent la Ferme de Vauxrains à Vaudesson où se déroulent le calibrage et le tri. La première étape permet d’écarter les petits haricots (la taille requise est de 17 mm minimum) qui seront donnés en nourriture au bétail. Les bons calibres sont alors triés à la main. Ne sont pas retenus, les jaunes, les cassés, les tachés et les fripés. Parmi les rescapés, une première partie est ensachée par paquet de 250 g ou 500 g, une deuxième est envoyée chez un conserveur qui les prépare pour être réchauffés ou dégustés froids. Enfin, une troisième partie est vendue en vrac chez des transformateurs qui réalisent leurs propres recettes.
Le haricot de Soissons est-il sauvé ? Pas totalement malgré la récente IGP même si son avenir est bien plus radieux qu’au début du siècle grâce à l’engouement récent pour les légumineuses et les restaurateurs et les épiceries qui le remettent en avant.
Coopérative Agricole du Haricot de Soissons
- Où ? Ferme de Vauxrains, 02320 Vaudesson
- Tél. : 03 23 53 96 65
- www.haricotdesoissons.com
Cet article est extrait du guide Hauts-de-France 2026. Celui-ci est disponible en librairie et sur le e-shop Gault&Millau.