Emmanuel Renaut en 5 plats
Emmanuel Renaut, chef du Flocons de Sel à Megève, retrace l’histoire de cinq plats emblématiques de sa cuisine. Une plongée dans son univers montagnard et délicat.
À Megève, Emmanuel Renaut cultive une cuisine profondément enracinée dans les Alpes. Entre cueillette sauvage, poissons de lac et herbes de jardin, le chef du Flocons de Sel (5 toques) façonne une gastronomie aussi instinctive qu’exigeante, “commandée par la nature”. Voici cinq plats qui racontent son territoire, ses convictions et ses inspirations.
Le plat qui symbolise ses convictions : le biscuit de brochet
Inspiré de la quenelle lyonnaise, ce biscuit léger et sans farine est né d’un tournant décisif : “J’ai arrêté les poissons de mer il y a vingt ans pour me rapprocher des poissons d’eau douce.” Une démarche liée à sa rencontre avec Jacquier, pêcheur sur le lac Léman, et un vrai pari culinaire. “On avait une clientèle peu ouverte à cela, les poissons de lac étaient considérés comme fades, vaseux… Il y avait beaucoup de rejet.” À force de travail, le chef a su imposer cette autre idée du poisson, en valorisant les espèces locales des lacs alpins. “Le but, c’est de montrer que ça peut être extraordinaire, qu’on a une richesse à portée de main.”

© Anne-Emmanuelle Thion
Le plat hommage à la montagne : le cèpe en croûte
Grand amateur de cueillette, Emmanuel Renaut travaille les champignons avec une précision d’orfèvre : “Le plus dur dans la cuisine, c’est la simplicité et la perfection dans les goûts, pour créer de l’émotion.” Le cèpe en croûte, ramassé le matin et cuisiné le soir, incarne cette approche directe et instinctive : un produit brut, préparé sans fioriture, comme un condensé de montagne. “Je voulais retranscrire le goût de la montagne à travers des produits simples.” Une cuisine non reproductible, dépendante du vivant, des saisons, du moment exact.
Le plat qui prouve que la cuisine montagnarde peut être délicate : les 2 mm de polenta
Derrière ce nom, une petite révolution. “La cuisine de montagne a longtemps été vue comme une cuisine roborative, avec de la polenta qui tient au corps, des plats fromagers très lourds. Mais la montagne, c’est aussi la délicatesse”, soutient le chef. Ici, la polenta est cuite longuement, étalée très finement entre deux feuilles de papier sulfurisé, et déposée comme une feuille d’or dans l’assiette. Le tout est nappé d’un jus aux herbes du moment. “Un contre-pied délicat à l’image attendue de la cuisine alpine.”
Le plat hommage à un souvenir : la tarte chocolat-bois
Dans ce dessert atypique, le bois devient ingrédient. Le chocolat est légèrement fumé, une glace est infusée de copeaux de bois torréfiés (hêtre, épicea...), selon l’envie. Un souvenir de voyage au Japon, sur l’île d’Hokkaido. “J’ai rencontré là-bas des gens qui faisaient de l’eau de bois, qu’ils buvaient à la place du thé ou du café. J’ai ramené ça dans ma valise des goûts”, se souvient-il. Un dessert évocateur, entre terre, forêt et réminiscence de lointains paysages.

© DR
Le plat instinctif : la salade du moment
La cuisine d’Emmanuel Renaut évolue au rythme du potager. Cardons, haricots, fleurs, feuilles… Tout est anticipé, cueilli à la juste maturité, en lien avec la météo du jour. “On se sert, on ne cueille que ce dont on a besoin.”

© DR
L’été, le chef aime composer ce qu’il appelle “une image de l’instant-T” : un plat végétal qui reflète la nature alentour. Une salade composée d’herbes fraîches, de pousses, de fleurs de saison, de noisettes fraîches… “Une image du moment, une salade interactive qui change chaque jour, selon ce que la montagne nous offre.”