Connaissez-vous l'histoire du moulin à poivre ?
C’est une épice de flibustier, un caillou lilliputien que l’on roule entre les doigts pour lui soutirer des arômes aussi puissants que volatils. Le poivre fut longtemps grossièrement broyé avant que la révolution industrielle n’offre au cuisinier l’ustensile parfait pour doser sa mouture : le moulin.
Existe-t-il, depuis la nuit des temps, une recette sans poivre ? Glissé dans les poches d’Alexandre le Grand, importé d’Inde à la cadence d’indolentes caravanes, puis ballotté dans les cales de Vasco de Gama, ce grain à la rondeur un peu cabossée est ancré dans les gènes de chaque cuisinier. Apicius le nommait le roi des épices ; le Moyen Âge le hissa au rang de marqueur social, au point que la richesse d’une famille vénitienne se mesurait à son stock de poivre. Il fallut attendre l’ouverture de la route des épices pour que ce grain de folie se démocratise et devienne, aujourd’hui, le troisième aliment le plus consommé au monde.
Et le fameux moulin à poivre Peugeot ?
Au fil des siècles, la manière de traiter le grain précieux évolue. Les outils pour le broyer et délivrer ses saveurs végétales, chaudes et piquantes se sophistiquent au même rythme que les palais. Pendant l’Antiquité, ce qui fonctionne pour le blé – le bon coup des deux meules de pierre en frottement – marche aussi pour concasser les épices ; plus tard, le pilon remplit parfaitement son office. Le mouvement rotatif du poignet coince les grains entre le creux et le plein, sculptant assez précisément la mouture. Mais l’ère du développement industriel va s’empresser d’investir le créneau. En 1810, deux frères, Jean-Pierre et Jean-Frédéric Peugeot transforment le moulin familial du Doubs en fonderie. Ils fabriquent des rubans d’acier pour les crinolines et des ressorts pour l’horlogerie, attendant 1840 pour sortir le premier moulin à café et, trente-cinq ans plus tard, son petit frère, le premier moulin à poivre de table, dit «modèle Z», encore fabriqué aujourd’hui. En porcelaine blanche unie, il revêtira bientôt des robes de métal argenté ou de bakélite. Le «modèle Y», qui lui succède, s’utilise tête en bas. En 1890, la famille se scinde, d’un côté les automobiles, de l’autre l’outillage et les moulins.
Entretemps, il y eut d’autres fabricants d’automobiles et de moulins à poivre. L’épice a désormais ses grands crus et ses nez, intraitables sur le choix de leur outil. On choisit son moulin comme son couteau, c’est sentimental. Pour les designers, l’ustensile est une source d’inspiration inépuisable, et pour cause: l’objet ne reste pas planqué dans la cuisine, il trône aussi sur la table. Pour garder ses parfums et sa force, le poivre n’intervient jamais en vedette américaine, mais toujours en point d’orgue. C’est l’ultime touche avant de filer en salle, c’est aussi le petit plus que chacun dose en fonction de ses goûts pour le mordant. En tendant le poivrier à son voisin, on ne passe pas seulement le bon grain, mais aussi Phu Quoc, Kampot, Penja, Sarawak, cubèbe, Malabar, Sichuan… Un petit shot de voyage dans un nuage de frisson.
Notre sélection coup de cœur de moulins à poivre
Ce n’est pas négociable : certains ne jurent que par l’authentique moulin mécanique, d’autres préfèrent la modernité de l’électrique. En bois ou en alliage, l’important est qu’il convienne à votre main. Petite sélection de modèles classiques ou fun pour poivrer avec jubilation.
- À la pointe de la technique. Ce moulin électrique en carbone fonctionne avec une batterie lithium-ion. «Line Electric», Peugeot, 89,90 euros
- Élégant. Un simple cylindre avec bague d’aluminium rainuré. «JOTA», De Buyer, 60,90 euros
- Malicieux. Le designer Thomas Defour s’est amusé à dessiner des petits robots amicaux aux couleurs joyeuses. «PM01», 13 Desserts, 130 euros
- Écoconçu. Une belle valorisation des chutes de bois de l’Atelier Hugo Delavelle. «Garenne», en chêne, noyer ou hêtre écocertifié, avec mécanisme en céramique, Atelier Prosper, 78 euros
- Iconique. Signé du designer Ettore Sottsass, il moud le poivre, le sel et les épices. «Twergi», en bois de hêtre naturel (noir, rouge ou vert), Alessi, 125 euros
Cet article est extrait de Gault&Millau, le magazine #3. Retrouvez le dernier numéro en kiosque ou sur notre boutique en ligne.
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