Christian Le Squer en 5 plats
Christian Le Squer, chef du restaurant Le Cinq à Paris, revient pour Gault&Millau sur cinq créations emblématiques de sa carrière, qui marquent encore aujourd’hui sa cuisine aux racines bretonnes.
Chef au sommet de la gastronomie française, Christian Le Squer, chef du restaurant Le Cinq (5 toques) au Four Seasons George V à Paris, puise ses racines culinaires dans les embruns de la Bretagne et les émotions de son enfance. Rencontre en cinq plats symboliques, entre souvenirs salés, douceurs lactées et amour du produit juste.
Le plat dont il est le plus fier : le bar au lait ribot et caviar
“Le plat dont je suis le plus fier est sans doute le bar au lait ribot de mon enfance, surmonté de caviar”, affirme le chef, sans hésitation. Il y a près de 30 ans, Christian Le Squer est l’un des premiers à faire entrer le lait ribot – traditionnellement consommé en Bretagne – dans les cuisines gastronomiques parisiennes. La recette, volontairement simple, joue sur la puissance évocatrice des goûts d’enfance : “On fait chauffer le lait ribot avec un peu de crème liquide, on snacke le poisson, et on verse le lait bien chaud dessus pour finir la cuisson.” Le caviar, touche de luxe iodée, vient sublimer le tout. Polyvalent, le plat s’adapte à toutes les saisons et à différentes variétés de poissons. “Le lait fermenté apporte beaucoup de douceur”, conclut-il.
© Jean-Claude Amiel
Le tournant dans sa façon de cuisiner : les crustacés cuits à l’eau de mer
Retour aux sources avec cette technique héritée des rituels culinaires bretons : “On allait chercher de l’eau de mer et on cuisait nos coquillages et crustacés dedans. Ensuite, on les laissait refroidir dans cette même eau.” Un geste fort, presque instinctif, que le chef a souhaité reproduire au plus haut niveau et qui est encore aujourd’hui l’une de ses marques de fabrique. Il prépare ainsi les araignées de mer ou même le homard, les laissant refroidir dans leur eau de cuisson pour en conserver le caractère iodé. Les algues, subtilement travaillées, viennent prolonger cette signature saline.
© Louise Marinig
Le plat le plus plébiscité : les langoustines mayonnaise à la galette de sarrasin
Créé en 1995 au Café de la Paix, ce plat est devenu culte. “J’ai voulu changer plusieurs fois la recette, mais les habitués ne voulaient pas. Alors, on le conserve tel quel”, sourit le chef. Cette association de langoustines, mayonnaise et galette de sarrasin parle à tous les Bretons, et bien au-delà. Le bouche-à-oreille a fait son œuvre, et certains clients viennent exclusivement pour ce plat. C’est la meilleure vente, année après année.
© Alix Marnat
La recette liée à un souvenir : le kouign-amann revisité
Impossible de parler de Christian Le Squer sans évoquer le kouign-amann, ce gâteau breton ultra-gourmand. Mais chez lui, pas question de finir le repas sur une note pesante. Depuis des années, le chef revisite cette spécialité pour en proposer une version plus légère : “Je remplace la pâte à pain par une pâte feuilletée bien caramélisée.” Servi tiède, avec le café, ce dessert de fin de repas émeut souvent les convives : “Les clients disent généralement qu’ils ont trop mangé et qu’ils ne toucheront pas au kouign-amann… avant de le goûter et de le manger entier bien évidemment”, s’amuse Christian Le Squer. Une façon douce et chaleureuse de transmettre son éducation du goût.
© Ilya Kagan
Son péché mignon : les petits pots de crème
“Ma gourmandise, ce sont les petits pots de crème : au chocolat, à la vanille, au café… je peux en manger tout le temps”, avoue-t-il avec tendresse. Souvent glissés en pré-dessert, ces entremets simples lui rappellent le lait cru de son enfance, quand il débordait de la casserole. “J’aime tous ces desserts à base d’œuf et de lait entier.” À travers eux, c’est un lien profond avec la terre, l’enfance et la sincérité de la cuisine qui se tisse – celui d’un grand chef qui n’a jamais oublié d’où il vient.