Yazid ICHEMRAHEN
Du Royal Monceau à At Home à Paris, Yazid Ichemrahen signe des desserts millimétrés, mêlant son histoire personnelle et son approche unique de la pâtisserie.Né à Épernay d’une mère française et d’un père marocain absent, Yazid Ichemrahen a « découvert la pâtisserie à l’âge de deux ans et demi ». Placé très jeune en famille d’accueil, il est élevé par le couple qu’il considère comme son oncle et sa tante — qu’il appelle affectueusement sa tatie et son tonton —, tous deux pâtissiers chez Leclerc et Carrefour. Ce sont leurs deux fils, Laurent et Danny, qui lui font découvrir la pâtisserie dès son plus jeune âge. Il garde un souvenir fondateur : « Tous les mercredis, on faisait le gâteau yaourt. Ça me sortait d’un quotidien parfois un peu néfaste. »
Une vocation née de l’urgence
Placé en foyer dès l’âge de deux ans après une enfance difficile, Yazid Ichemrahen découvre la pâtisserie comme un moyen d’échapper à un quotidien instable et de trouver sa voie. Très tôt attiré par les desserts, il commence à apprendre le métier à 14 ans et obtient son CAP avant d’être formé par de grands noms de la discipline : Pascal Caffet, qui le prend comme apprenti, puis Angelo Musa à la Pâtisserie des Rêves, et enfin auprès de Joël Robuchon au Métropole à Monaco, où il devient sous-chef à seulement 19 ans. En 2014, il décroche à 22 ans le titre de Champion du Monde des Desserts Glacés, devenant le plus jeune champion de toutes les compétitions pâtissières.
Trois mois après son titre, il ouvre une boutique à Avignon avec Bernard Blachet. Par la suite, Yazid décide de le quitter et de monter son propre groupe. L’ouverture à Mykonos lance une expansion rapide : Courchevel, Avignon, Gstaad, Qatar (Doha), Bahreïn…
De Monaco au Royal Monceau : une philosophie du goût
Arrivé au Royal Monceau en janvier 2024, il impose une vision claire : « Je m’attèle à faire des gâteaux en trois textures, simples mais millimétrés. » Avec le chef Alexandre Fabre, il revoit totalement le sourcing : lait, œufs, crème, tout est désormais issu de producteurs rencontrés « physiquement ». Il revendique une pâtisserie lisible : « Le luxe, ce n’est pas d’ajouter tout un tas de choses. Le client n’est pas critique gastronomique. Tout doit créer une émotion particulière. Une émotion, ce n’est pas d’aimer ou pas. C’est se souvenir », raconte-t-il.
At Home : restaurant, galerie et lieu intime
En septembre 2025, le chef ouvre At Home, au 44 rue Croix-des-Petits-Champs, un espace hybride de 270 m² pensé comme son propre appartement, où se dévoilent un restaurant, une boutique et un laboratoire ouvert sur rue pour plus de transparence. « Je dormais dehors quand je suis arrivé à Paris. Là, je ne voulais pas faire une énième pâtisserie. Je voulais faire mon appartement et recevoir les gens chez moi. » Le lieu brouille les frontières entre intimité et création : atmosphère feutrée, design minimaliste signé Galotti, croquis imprimés sur Dibon et scénographie du saladier en terre cuite de son premier gâteau.
Véritable écrin sensoriel, At Home raconte son histoire à travers chaque détail. « L’idée, c’est de créer un lieu qui raconte mon histoire à travers ma pâtisserie. »
De l’enfance difficile aux palaces, Yazid Ichemrahen a bâti une approche personnelle : transmettre, servir, raconter. « On partage un peu de soi dans chaque dessert. » Un parcours où la pâtisserie devient autant un métier qu’une reconstruction.