Christophe Lemaire, calé en épices
Courir le monde à la recherche de petits producteurs et des meilleurs cultivars, recueillir les recettes les plus authentiques pour en reproduire fidèlement les assemblages, revenir à la source des currys : Christophe Lemaire collectionne dans son laboratoire de Paimpol les meilleures épices qu’il «triture» (c’est le terme), tel un alchimiste.
Les postiers de Paimpol connaissent son adresse par cœur : Christophe Lemaire est sans doute celui qui reçoit les colis les plus exotiques d’Armorique… Couverts de timbres et de tampons spectaculaires, irradiant de parfums d’épices et de vanille, on en mangerait ! Son échoppe, elle aussi, invite au rêve et au voyage : des centaines de flacons de verre parfaitement ordonnancés investissent les meubles vintage de cette ancienne papeterie, devenue l’écrin d’une rare collection d’épices et de poivres. Le maître des lieux n’est pas tombé tout petit dans ces potions magiques, sa première vie s’est construite du côté du trading. «Mais je suis d’une famille dispersée de grands voyageurs, mes oncles et tantes rapportaient toujours des épices dans leurs bagages. Puis au fil de mes postes dans la banque, j’ai découvert la cuisine indonésienne hollandaise, les restaurants indiens londoniens… J’ai beaucoup voyagé en Inde et en Asie du Sud-Est et appris à maîtriser les tajines au Maroc.»
À la fin des années 1990, la rencontre avec un chef, le gourou des poivres Gérard Vives, provoque le déclic. «J’ai commencé à imaginer un nouveau parcours qui me permettrait de continuer à voyager tout en partageant ce que j’aimais.» Le globe-trotter installe alors sa base dans les Côtes-d’Armor et recommence à sillonner la planète pour dénicher des petits producteurs et sélectionner inlassablement de nouveaux cultivars afin de préserver ce patrimoine volatil. La Cale aux Épices naît en 2014, elle donnera naissance à deux autres comptoirs, à Rennes et à Vannes.
Lorsqu’il n’est pas en voyage, Christophe prend plaisir à «triturer» ses délicats mélanges. Les Paimpolais connaissaient bien son laboratoire d’où, lorsqu’il campait dans l’arrière-boutique, embaumait la rue de ses torréfactions. Depuis, la production s’est professionnalisée grâce à un partenariat avec l’Établissement d’aide par le travail de Plourivo, dont les pensionnaires conditionnent, étiquettent et dispatchent les flacons frappés à l’effigie d’une célèbre goélette paimpolaise. «Nous travaillons à flux tendu et les moutures sont faites au fur et à mesure. Le secret d’une bonne épice, c’est sa fraîcheur. D’ailleurs j’exhorte nos clients à n’acheter que des petites quantités, quitte à renouveler plus souvent.» Il n’hésite pas non plus à leur parler histoire. Christophe a accumulé une sérieuse bibliothèque sur les épices et acquis une vraie érudition. «J’aimerais combattre les idées fausses sur la route des épices : elles existaient dans la culture culinaire bien avant les grands navigateurs, on en a même retrouvé des traces à Pompéi !» Passer à La Cale aux Épices pour collecter quelques précieux flacons à cuisiner, ou se laisser conter l’histoire de cette épopée odorante, c’est comme entamer un petit voyage initiatique.
-
Du bon usage du curry
Lorsqu’il part explorer le monde sur la trace de ses trésors odorants, Christophe Lemaire en profite pour recueillir les recettes des cuisinières, afin de les reproduire dans son laboratoire. Dans cette «pièce blanche», il triture ses mélanges tantôt en puriste, en respectant les goûts les plus authentiques, tantôt en imaginant de nouvelles impressions. «On a un peu tendance à tout appeler curry. Kari, carry… Le mot vient d’une anglicisation du mot tamoul khary, qui signifie “plat en sauce”.» Au XVIIIe siècle, les colons britanniques l’ont utilisé pour désigner les plats épicés, d’où son nom actuel en Occident. En Inde, on parle plutôt de masala, qui signifie «mélange». «Un curry est un assemblage de 10 à 12 épices et j’aime faire découvrir leurs différences.» Houle d’un berbéré d’Éthiopie bien corsé, langueur d’un curry de Singapour, velours d’un vadouvan indien… Pas moins de 18 currys attendent, dans cette odorante boutique, de faire découvrir le monde et ses saveurs aux amateurs de sensations fortes.
La Cale aux Épices
6 bis, rue des 8-Patriotes, 22500 Paimpol.
Tél. +33 (0)6 34 31 03 99
-
Nicolas Conan, chef du restaurant Ostium, à Paimpol
Issu d’une lignée de restaurateurs paimpolais, Nicolas Conan s’est échappé quelques années pour travailler auprès de grands chefs, avant de revenir poser sa signature dans sa ville natale, et proposer une cuisine métissée où les produits de La Cale aux Épices se taillent une belle place.
Vous avez commencé votre parcours dans les cuisines d’Olivier Roellinger. Est-ce là l’origine de votre goût pour les épices ?
Nicolas Conan : Ce fut l’une de mes premières expériences en cuisine et certainement une source d’inspiration. J’ai travaillé ensuite auprès de nombreux chefs, notamment dans un restaurant japonais qui m’a ouvert d’autres horizons. La belle rencontre avec Christophe Lemaire a renforcé ma curiosité pour ces goûts venus d’ailleurs.
Quelles épices vous inspirent ?
N. C. : J’adore les poivres, même sur les desserts, et particulièrement un mélange de poivres blanc et noir de Sarawak. Ce que j’aime avant tout, c’est faire mes mélanges moi-même, ou encore twister les goûts. Je cuisine par exemple un poulet cajun avec le mélange auquel j’ajoute un sel fumé que je fabrique dans mon propre fumoir.
Une découverte récente ?
N. C. : Christophe m’a fait découvrir son curry noir et je l’ai utilisé sur des carottes glacées qui sont devenues un incontournable de notre brunch du dimanche.
Ostium
Les Hauts de Kerano
2, chemin de Kergroas, 22500 Paimpol
www.les-hauts-de-kerano.com
Ces actualités pourraient vous intéresser
Le kouglof, son histoire et nos bonnes adresses
Le kouglof, un gâteau aux mille et une histoires. De l'Alsace à nos assiettes, ce dessert emblématique nous transporte à travers les siècles. Mais où trouver le meilleur kouglof ? Suivez-nous dans un voyage gourmand à la découverte de ses origines et des adresses incontournables.Bohême, l'insoutenable légèreté du verre
En République tchèque, un vent nouveau souffle sur la tradition du cristal de Bohême. Dépoussiéré et lesté de son plomb, le verre revient à table grâce à des designers inspirés et à l’aide de financiers aux pieds de fakirs. Voyage dans le monde fragile de la transparence.Produit de bouche, équipement de cuisine, art de la table, solution de service ...
Retrouvez la liste complète des partenaires qui font confiance à Gault&Millau
Tous nos partenaires