Arts de la table : ces éditeurs qui renversent la table

La force d’une petite structure n’est-elle pas l’agilité ? C’est en tout cas ce que semblent prouver les maisons d’édition qui investissent le champ des arts de la table et y agissent avec succès, leur redonnant au passage, un second souffle. « Nous sommes un peu les couteaux suisses du secteur, lance avec humour Bertille Carpentier de Non Sans Raison. Nous avons pour nous une réactivité qui nous permet d’offrir rapidement des solutions clés en main, de répondre plus facilement à des demandes particulières. » En effet, petites par leur structure, elles n’éprouvent pas la « lourdeur » des rouages d’une grande maison et peuvent agir et réagir avec promptitude. Libérées des contraintes de la fabrication – confiée à des manufactures, en France ou en Europe –, même si elles la suivent avec grand soin, les maisons d’édition se concentrent sur ce qui fait leur force : l’imagination et la créativité, soit en s’appuyant sur leur capacité interne, soit en s’associant avec des créateurs extérieurs. « Nous pouvons oser davantage et aller parfois très loin en nous permettant des collections que l’on ne réalise presque plus aujourd’hui », avance Guilhem Nave, cofondateur d’Animal Fabuleux, évoquant « Faux-semblant », une collection réalisée avec 17 couleurs par pièce ! Un pari qui semble gagnant : nombre de ces éditeurs remportent aujourd’hui des contrats avec de prestigieuses maisons, développent leur chiffre d’affaires à l’étranger et deviennent des partenaires solides du secteur de l’hôtellerie-restauration.  

• Non Sans Raison met l’audace dans l’assiette

• Ibride repousse les limites de l’imagination

La maison d'édition française Ibride, créée en 1996 par Carine Jannin, Rachel et Benoît Convers, imagine des meubles et des objets qui interpellent, voire interrogent. Du côté des arts de la table, l’entreprise joue aussi l’éclectisme. Elle propose à la fois des assiettes en porcelaine dont les décors rendent hommage à la pierre ouvragée (collection « Parnasse »), et des services empilables en mélamine, semblables à un vase quand ils sont rangés, mais qui dévoilent de multiples contenants et décors fabuleux. Outre ces objets, imaginés en interne, Ibride a également collaboré avec Constance Guisset. La designer a imaginé « Morphose », tout d’abord une tasse « chimère », puis récemment des cloches en céramique et en trois tailles, qui dissimulent un plateau, pour y abriter du regard ce que l’on souhaite… 

• Animal Fabuleux cultive la liberté de ton

Guilhem Nave a fondé la maison d’édition Animal Fabuleux avec sa compagne Claire Sudres en 2009 avec une certaine vision de l’excellence, en fabriquant quasiment à la commande. « Nous respectons les classiques des arts de la table et notre volonté est de les revisiter en leur apportant une note contemporaine, à travers des décors extrêmement soignés, dans l’esprit des cabinets de curiosité, des planches anatomiques… Nous nous autorisons cette liberté de ton, de faire ce que nous souhaitons, qu’il s’agisse de développer une collection dans les arts de la table ou de sortir des rangs en allant explorer d’autres sujets, comme la lampe “Chips”, créée récemment avec Julien Barrault, avec un pied en céramique et un en plâtre, une gageure dans notre secteur ! »  

• Maison Fragile s’inscrit dans la tradition familiale

Mary Castel, la fondatrice de Maison Fragile, n’est pas venue aux arts de la table par hasard. Elle poursuit depuis avril 2017 une tradition familiale avec un objectif : « Revisiter les arts de la table pour magnifier les instants éphémères, remettre à l’honneur la créativité des arts de la table. » Maison Fragile collabore avec de jeunes artistes, comme Jean-Michel Tixier ou Sonia Sieff, des chefs comme Alain Passard ou Guillaume Gomez. Engagée, la maison s’associe au restaurant Le Reflet pour une collection de vaisselle « Extraordinaire », créée par des personnes porteuses d’une trisomie 21 et salariées du restaurant. Dernièrement, après avoir rencontré Mary Castel, la designer Pauline Androlus a développé la collection « Tact », à l’usage des déficients visuels. 

• Maison Matisse s’inscrit dans l’esprit du peintre

« Mon but est de rendre mon émotion. Cet état d’âme est créé par les objets qui m’entourent et qui réagissent en moi », disait Henri Matisse. Fondateur de Maison Matisse et arrière-petit-fils du peintre, Jean-Matthieu Matisse entend faire perdurer l’œuvre de l’artiste, son univers optimiste et ses inspirations, à travers des créations variées : mobilier, décoration, linge de maison, arts de la table. Dans cette catégorie, la Maison confie à la designer franco-polonaise Marta Bakowski la réalisation d’une collection d’assiettes, bouteilles, cruches et plats, entièrement peinte à la main et inspirée du tableau de Matisse La Musique (1939). Un hommage en trois dimensions…