48 heures à Carcassonne
Occitanie/2025
Carcassonne a deux visages. Du haut de sa colline et de ses 2 500 ans, la cité surplombe le canal du Midi. Classée à l’Unesco, c’est une machine à remonter le temps qui s’enorgueillit d’être l’un des plus grands ensembles médiévaux aussi bien conservés en Europe. À ses pieds, la ville basse déploie un urbanisme en damier où il fait bon se balader.
Dites « Carcassonne », et des effluves de cassoulet chatouillent aussitôt les narines. Dites « Carcassonne », et les images de la forteresse médiévale se bousculent dans la tête… Sacré Viollet-le-Duc (1814-1879) ! Si l’on doit à cet architecte la sauvegarde des lieux, certains lui reprochent encore ses trop nombreuses libertés lors de la rénovation. « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné », déclarait-il. De quoi clouer le bec aux historiens. Son « interprétation » n’a pourtant jamais fait reculer les touristes. Bien au contraire. Aux beaux jours, ils envahissent le château et les ruelles labyrinthiques de la cité médiévale. Il faut alors ruser et se lever à l’aube – ou tout simplement venir hors saison – pour remonter les siècles et s’étourdir devant la double muraille, les 52 tours de garde et les remparts extérieurs de 1,7 kilomètre. À l’intérieur, les autres remparts se parcourent désormais sur leur totalité, soit 1,3 kilomètre et 600 marches. Une belle façon de découvrir la cité, ce mouchoir de poche de 7 à 8 hectares, tout en scrutant l’horizon battu par les vents – ils soufflent près de 300 jours par an. Le soir, le vol des hirondelles accompagne poétiquement la remontée du temps. L’Hôtel de la Cité MGallery fait alors des appels du pied pour un verre ou un repas. L’établissement de luxe a le bon goût d’avoir une collection « collector » de guides Gault&Millau, dont une édition de 1977. Les pages se feuillettent dans le Bar Bibliothèque, qui prend ses quartiers, l’été, dans le délicieux jardin à l’ombre des remparts. On peut lui préférer la Boulangerie de la Cité, aussi salon de thé, avec une vue phénoménale sur la basilique Saint-Nazaire juste en face.
Le temps file. Il faut redescendre. Chemin faisant (la pente est rude), la Maison de la laine et du drap, récemment ouverte, attire l’œil. Elle tisse brièvement l’histoire de l’industrie drapière qui fit la renommée et la fortune de la ville aux XVIIe et XVIIIe siècles. La laine mérinos n’y était pas étrangère. Plus loin, le musée des Beaux-Arts ouvre l’appétit avec ses natures mortes, dont Les Apprêts d’un déjeuner de Chardin. Le plat de résistance ? Il se déniche dans les pages du livre Le musée dresse la table, édité lors de l’exposition éponyme en 2024. Parallèlement aux scènes de chasse, galanteries et natures mortes issues de la collection des Beaux-Arts de Carcassonne, des chefs et des artisans locaux ont partagé leurs recettes. Ainsi de La Table d’office de Chardin (encore lui !), qui s’accompagne du pâté en croûte de la Boucherie-Charcuterie Izard.
Nous voici maintenant dans la bastide Saint-Louis ou la ville basse. Conçue sur un plan en damier, elle livre facilement ses bonnes adresses. L’amusante droguerie-quincaillerie Carca’outchouc, reprise en 2023 par l’ancien restaurateur Richard Pichéric, se double d’une sympathique brocante. Citons aussi l’Épicerie 105, qui propose des produits de la Méditerranée ou encore l’incontournable La Ferme, dont les fromages en vitrine, figés dans de la terre ou du plâtre, font saliver – les « vrais », les moelleux, sont à l’intérieur.
Pour une séance de shopping mode ou de décoration, c’est juste en face, chez Mètre Carré, un concept-store amusant. Finalement, le tour du centre-ville est rapide. Les pas reviennent souvent à la place Carnot, grouillante de cafés. Chez Félix a conservé sa décoration d’origine qui fleure bon les années 1950 (surtout, ne changez rien !). On y devine l’ambiance survoltée des soirs de match de rugby. Une bière au comptoir et l’on repart cette fois sur le petit parcours Art nouveau et Art déco. On butine les mosaïques colorées, les ornements végétaux et les lignes géométriques des façades. Parmi eux, les anciens Bains-Douches (désormais une crèche) et le ravissant théâtre Jean-Alary des années 1930. Ses intérieurs méritent de se pencher sur la programmation pour voir un spectacle.
La culture, justement. L’été fleurit de festivals et de concerts. L’hiver, la ville accueille le Festival international du film politique, qui va bien plus loin que les urnes. Il balaie des sujets larges touchant au social, à l’environnement, aux droits humains… Carcassonne ? Oui, le nom résonne. Dites-le encore et vous entendrez peut-être l’écho de l’eau dans le canal du Midi.