48 heures le long de la Côte d’Albâtre
Normandie/2024
Ce n’est pas une station chic, ni un port de plaisance, ni une marine pittoresque. C’est Dieppe, et nul ne peut en contester l’authenticité, avec son architecture de reconstruction, son tourisme modeste et son front populaire de mer.
© Alamy
Moins brillante que Deauville, moins picturale qu’Honfleur, moins spectaculaire que l’arche d’Étretat, ce n’est que Dieppe. Et pourtant, dans les yeux bleus de Michèle Morgan, Dieppoise d’adoption, il y a toute la vérité et l’humanité d’une rencontre sur un quai des brumes, les cris des goélands et l’entêtement des vagues se fracassant sur les galets dans un tumulte argenté. C’est Dieppe, toujours un peu nostalgique, entre Simenon et Mac Orlan, des bains de mer extraordinaires que découvrirent les Parisiens en descendant des wagons aux banquettes de velours des premières lignes Paris-Dieppe.
Vous observerez les cinq indispensables de votre passage à Dieppe : un verre en terrasse (le petit déjeuner si vous le pouvez), au Café des Tribunaux, cœur de la ville : une moules-frites au Tout va Bien, point névralgique entre commerces et plage, au seuil du quai Henri-IV, où s’alignent les restaurants ; une longue caresse de galets, sur la plage, à tenter de distinguer l’horizon entre ciel et mer : un vertige devant les cerfs-volants de la grande esplanade, que l’on peut imiter en déployant ses propres ailes ; un coucher de soleil romantique, sur la grève plein ouest, à la lumière déclinante dans un mariage de feu.
Vous irez ensuite musarder sur cette si bien nommée Côte d’Albâtre, où le blanc le dispute au gris, en bien plus de cinquante nuances, jouant de ses reflets, tantôt mats, tantôt brillants, toujours beaux et purs, sous le bleu comme sous le gris. C’est Pourville, où venait parfois Bourvil en presque homonyme ; c’est Varengeville et ses merveilleux jardins, le bois des Moutiers et ses essences de tous les coins du globe, notamment une collection de rhododendrons, le jardin Shamrock et son inégalable collection d’hortensias. Plus loin, le jardin Le Vasterival, un bijou de charme et de richesse avec ses 10 000 espèces à Sainte-Marguerite, le superbe site du Cap-d’Ailly, et Quiberville, qui porte comme toute cette partie de côte les stigmates de la douloureuse opération Jubilee de 1942, qui fit près de 2 000 morts parmi les alliés, mais servit aussi de préparatif au Débarquement deux ans plus tard. Et puis Saint-Aubin-sur-Mer, curiosité très attrayante puisqu’elle offre une plage de sable au beau milieu de cette côte de galets et de jolies cabines de bains colorées.
On poursuit sur Sotteville-sur-Mer, dont le village très plaisant n’est pas au bord de la mer, puis la délicieuse Veules-les-Roses, que parcourt le plus petit fleuve de France, la Veules,
parcourant 1 kilomètre avant de se jeter dans la mer. À marée basse, le sable prolonge les galets pour le plus grand plaisir des baigneurs, et les huîtres sont de plus en plus réputées, au point de se trouver désormais en bonne place aux côtés des saint-vaast et des utah beach sur les étals des mareyeurs normands.
La conclusion se fait à Saint-Valery, où la pêche est renommée – mais qui manque un peu de lieux où la consommer – et dont la grande place typique de l’après-guerre en Normandie possède, comme Dieppe, ce naturel sans maquillage ni prétention qui est la véritable couleur de la Côte d’Albâtre.
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