Rencontre avec les natures vivantes de Jean-François Fourtou
Des maisons couchées, des animaux espiègles et des créatures maladroites à tête de légume, tout le petit monde de Jean-François Fourtou fascine autant qu’il amuse.
Célèbre depuis les années 1990 pour ses sculptures d’animaux réalistes ou ses étranges maisons renversées, l’artiste plasticien Jean-François Fourtou a récemment donné naissance à d’étranges créatures dotées d’une tête de légume. Depuis 2020, ses malicieux Hybridus investissent les galeries et les centres d’art, les vitrines des boutiques de luxe et l’espace public, en France comme à l’étranger. Diplômé en 1992 de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris, le sculpteur un brin farceur les crée à Marrakech, où il travaille et réside désormais.
Comment les Nanitos, ces premières créatures hybrides mi-humaine mi-végétale, ont-elles mûri dans votre esprit ?
Jean-François Fourtou : "Ces personnages sont la résultante de deux événements. Le premier : quand ma fille aînée de 20 ans était enfant, je lui racontais que des créatures mi-humaines mi-végétales vivaient dans notre jardin. Je leur ai inventé tout un monde, celui d’un potager et de son labyrinthe souterrain, d’où elles surgissent. Puis, je les ai baptisés les Nanitos : une contraction du mot enanitos qui signifie personne de petite taille en espagnol. Le deuxième, plus personnel : j’ai eu mes deux derniers enfants, qui ont maintenant 5 et 7 ans, par le biais de la GPA (Gestation pour autrui) aux Etats-Unis, qui s’est révélée être un long processus. De ce fait, ces naissances ont été particulières. Pour patienter chez moi à Marrakech, j’observais les légumes de mon potager sortir de terre. J’ai ainsi à nouveau imaginé des petits personnages y naître, à l’instar de mes enfants outre-atlantique. Durant cette période, je leur ai donné vie, j’ai commencé à en faire des sculptures que j’ai exposées pour la première fois à la galerie RX à Paris, fin 2020."
Très vite, la famille des Nanitos s’est agrandie, comme la vôtre.
J.F.F : "En effet ! Dans cette exposition, j’ai raconté la naissance des Nanitos. Depuis, sont apparus les Minitos et le Maxitos. Ensemble, ils forment la famille Hybridus. Les Nanitos possèdent une tête de courge ou de potiron, des cucurbitacées que l’on cultive facilement au Maroc. J’ai ensuite créé le Maxitos. Ce géant les protège, comme un père. Je lui ai construit une maison à sa taille. Pour agrandir la famille, j’ai imaginé les Nanitos, des personnages de toutes petites tailles à tête de tomate, de chou-fleur ou de courgette, bref de tous les légumes que je cultive dans mon potager. Tout ce petit monde peuple aujourd'hui un parc à Marrakech qui devrait ouvrir fin 2023. Le Maxitos y converse avec un Nanitos, ainsi ils m’évoquent moi et mon père discutant dans le jardin."
Le Domaine Vranken-Pommery, à Reims, a fait l'acquisition de quelques Nanitos. Les visiteurs ne peuvent que s’attendrir devant celui à tête d’artichaut se prenant le chou. Comment avez-vous travaillé pour les rendre si réalistes alors qu’ils n’ont pas de visage ?
J.F.F : "Sculpteur de formation, je procède de manière assez traditionnelle. Je ne réalise jamais de dessins ou de maquettes préparatoires. Je travaille la sculpture en direct, par modelage. Pour les têtes, je réalise des moulages des légumes de mon potager. Je les peaufine par la suite. Pour les corps, je les assemble par morceaux pour leur donner une attitude toute particulière, copiée sur celle des humains. Toutes les créatures sont constituées de résines et de tissus. Les Nanitos et le Maxitos, étant destinés à vivre en extérieur, sont habillés de tissus out-door, pouvant résister au soleil et à la pluie, comme ceux des vêtements des skippers. Restant eux à l’intérieur, les Minitos sont plus sophistiqués et variés. Leurs vêtements se confondent avec leur tête, afin de faire naître l’hypothèse qu’ils auraient pu surgir de leur corps, telles des feuilles. J’aime travailler sur cette ambiguïté, entre l'humain et le végétal, le réel et l’imaginaire."
Vos créatures sont très expressives, à l’opposé d’une nature morte. Ne pourrions-nous pas les appeler des "natures vivantes".
J.F.F : "En effet, mes Hybridus sont des "natures vivantes". Aujourd’hui, mes enfants cultivent à mes côtés dans le potager. Tout cela est très vivant, je m’en inspire pour créer des attitudes. Pour plus de réalisme, j’ai refusé de travailler avec des matériaux plus faciles, mais plus figés, comme la pierre, le bois ou le métal. J’ai aussi évité de les poser sur un socle. Idéalement, elles doivent se retrouver dans des jardins ou des cuisines, comme celles du Domaine Vranken-Pommery, à Reims, où des Nanitos y mettent actuellement une sacrée pagaille !"
Retrouvez l'artiste Jean-François Fourtou :
- Range ta chambre ! - Lille3000 ; Gare Saint-Sauveur, Lille. Du 12 avril au 8 octobre 2023
- Forever, Expérience Pommery #17 - Un lieu, trois expositions ; Domaine Vranken-Pommery, Reims. Du 25 mai au 28 novembre 2023
- Galerie RX, 16 Rue des Quatre-Fils, 75003 Paris. Du 2 décembre au 13 janvier 2024
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