Amélie, venue de la capitale au milieu des grenaches, a rejoint aussi le pays des merveilles, tant cette auberge au pied de l'église XVIIe a de charme, offrant depuis ses fenêtres un panorama magique sur les collines vierges et en contrebas le petit lac créé par le barrage des Olivettes (oubliez vos portables, ici on est complètement offline). Cette auberge qui prend le nom du bonheur en langue pataxo, un dialecte amazonien, est aussi le royaume des filles, (en salle comme en cuisine) même si Thomas, venu de Hai Kai, a suivi la chef. Amélie Darvas a donc repris au printemps, avec sa complice Gaby, experte en vins cachés derrière les fagots bio et nature, cette ancienne "Auberge du Presbytère", touchant ici un rêve de nature irréalisable à Paris. Le potager en permaculture apporte les premiers légumes, les mises en bouche sont déjà une fête végétale et la tomate marinée au vinaigre "de la garrigue" avec son sorbet pamplemousse et poivre timut entame avec brio et délicatesse. Car la marque de fabrique, c'est bien ce petit détail qu'on attend des chefs auteurs, ce zeste, cette virgule qui vous change un plat, par exemple la température de la tomate, un point tiède qui contribue à la réussite de l'assiette, le fumage si léger et précis du thon blanc avec la betterave et le parfum de lavande infusée, la texture de la seiche marinée avec sa sauce chorizo ibérique, et qui nous rappelle par exemple ici le toucher d'un Bertrand Grébaut. Amélie est elle-même sans besoin de parrainage, elle fait ici ce qu'elle aime et elle le fait très bien. Avec une prédilection pour ce qui vient de la mer (découvrez la bisque de galères, ces crevettes locales sans chair, ou celle servie avec un lieu jaune comme un boudin), sans ostracisme (un excellent pigeon avec une figue imbibée de betterave). La mise en scène est charmante, le service féminin remarquable d’empathie et d'aisance et les desserts n'ont pas à rougir, l'äponem étant ici une promesse tenue.